Ipiutiminelle Membre du Conseil - Modo
Nombre de messages : 3147 Age : 38 Localisation : Tol Eressëa, As-Coron, Imre... Groupe : Marchombre Livre préféré : Tolkien, Pierre, Pauline, Timothée, Léa Silhol, Patrick Rothfuss, Alain Damasio... Date d'inscription : 01/12/2008
| Sujet: Passages préférés Mer 28 Sep 2011 - 22:10 | |
| Promis, c'est mon dernier ^^ - Spoiler:
Alors qu'ils approchaient de leur but, il comprit ce qu'avait voulu dire Rafi en lui conseillant de s'imprégner d'une situation avant de rechercher des réponses rapides à des questions manquant de pertinence. Voir toujours plus loin que portait son regard et réfléchir au-delà des limites que son esprit considérait comme acquises.
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- Je commence à comprendre que le bien-être est un joug plus écrasant que la terreur. Barthélémy en a fait l'expérience.
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- Prétendre que quelqu'un ou quelque chose n'existe pas parce qu'on ne l'a pas rencontré personnellement est à peu près aussi intelligent que boire du Coca-Cola avec un couscous berbère, mais ce n'est pas des fées dont je voulais te parler.
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Gino avait tiré une flûte de bois sombre du sac qui ne le quittait jamais. Le dos appuyé à la borie, il jouait une mélopée lancinante, le regard posé sur les deux silhouettes assises au sommet de la colline proche. Rafi et Elio se tenaient en tailleur, face à face, les doigts entrelacés. « Tu n'auras rien à faire, avait dit le vieux Berbère, simplement à t'ouvrir et à m'accepter. » Le soleil basculait vers l'horizon, offrant au ciel un prodigieux camaïeu d'orangés et promettant une nuit glaciale. Elio était peu vêtu, pourtant il n'avait pas froid. Des paumes de Rafi émanait une douce chaleur qui irradiait dans tout son corps, distillant une sérénité proche de la torpeur. Jamais le jeune garçon ne s'était senti aussi proche de son djadd. Des scènes de sa première enfance qu'il croyait enfouies au tréfonds de son esprit remontaient de sa mémoire pour caresser son présent. Rafi à quatre pattes, devenant son destrier de chevalier puis le dragon pourfendu par une épée de bois qui agonisait dans d'affreuses souffrances. Rafi lui chantant des berceuses berbères pour l'endormir. Rafi le juchant sur le dos d'un âne, lui réservant les meilleures dattes et les plus belles figues, ou lui servant de grands verres de jus de palme frais. Rafi perché avec lui au sommet d'un arganier pour qu'ils touchent les étoiles et parviennent à les marier. Rafi lui expliquant la vie des fourmis et le vol des oiseaux. Rafi lui fabriquant un château avec trois chaises et un tapis. Rafi lui proposant des énigmes sans queue ni tête et devisant des heures avec lui sur le pouvoir des fées. Rafi lui apprenant à jouer aux échecs et à tricher aux cartes. Rafi lui enseignant à sculpter le silence et à lire la poésie des dunes de sable. Rafi riant aux éclats à ses bêtises. Rafi le consolant quand il se blessait ou se sentait blessé. Rafi toujours présent. Elio avait perdu la notion du temps. Détendu, l'esprit ouvert, il comprenait désormais l'évidence du choix de Rafi, comme il comprenait la portée du don que son djadd lui faisait. A mesure que le pouvoir de son grand-père s'écoulait en lui, il commençait à discerner son avenir sous la forme d'une multitude de chemins s'offrant à son choix. Certains baignaient dans une fallacieuse lumière de facilité qui, quelques heures plus tôt, l'aurait sans doute abusé, d'autres serpentaient, aussi longs qu'indécis, plusieurs s'arrêtaient brutalement devant un gouffre qui ne pouvait être que sa propre mort, et de nombreux autres se perdaient dans un brouillard de possibles qu'il était encore incapable de percer. Aucun de ces chemins n'était figé. Une étrange cartographie de l'avenir que la plus insignifiante des décisions pouvait transformer radicalement et qui se modifiait du simple fait d'être observée. Il n'y avait de certitude nulle part et des indices partout. « Drôle de pouvoir », s'entendit-il songer. La chaleur que dégageait les mains de Rafi s'accrut soudain, le ramenant irrésistiblement vers la réalité. - Je t'aime, Elio. Et je suis fier de toi. Elio ouvrit les yeux. Le corps de Rafi était devenu translucide. Presque un rêve. La voix chaude du vieux Berbère s'éleva une dernière fois. Pareille à une caresse. - N'oublie pas, Elio, seuls l'amour et la vérité sont des pouvoirs. Une bourrasque de vent froid balaya la colline. La silhouette de Rafi se délita comme si elle n'avait été qu'un rêve. Pendant une seconde, ses yeux bleus résistèrent au néant, rivés à Elio par une force plus puissante que la mort, puis eux aussi cessèrent d'exister. Elio se retrouva seul.
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Elio s'était mis à briller. Non pas physiquement mais d'une lumière intérieure qui s'adressait à l'esprit plutôt qu'aux yeux. Une lumière chaude et envoûtante. Une lumière qui gommait doutes et incertitudes pour les remplacer par par une évidence chatoyante. Ce qu'exprimait Elio.
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- Tu dois m'écouter. Il se retourna avec lenteur, parfaitement libre de ses mouvements et pourtant incapable d'agir autrement. Parce que la voix limpide le lui demandait et que ses mots étaient des mots de sagesse et de vérité. Le gamin brillait dans la nuit. Pas à la manière d'une lampe mais d'une lumière plus chaude, plus profonde. Une lumière venant de l'intérieur et qui ne pouvait qu'illuminer ceux qui l'écoutaient.
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Juste avant de mourir, mon grand-père m'a fait un don merveilleux. Plus précieux que le plus précieux des trésors. Un don magique. Juste avant de mourir, mon grand-père m'a offert une phrase. Une simple phrase. « N'oublie pas, Elio, seuls l'amour et la vérité sont des pouvoirs » ...
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... Je ne vous parlerai pas de vengeance, de guerre, de lutte et de sang. Je ne vous parlerai pas non plus d'injustice et de droit. Je ne vous parlerai même pas de ces gens qui font rimer ordre et terreur, lois et mensonges, morale et déchéance. Je veux vous parler de cette lumière qui brille en chacun de nous. Cette petite lumière qui fait de chacun de nous un être humain. Parce que cette lumière est en train de s'éteindre. ...
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... Je n'ai aucune leçon à donner, pas de grandes phrases à prononcer. Juste, peut-être, un message à murmurer, une simple idée. Et si chacun de nous cessait de faire semblant pour devenir celui ou celle qu'il est vraiment ? Et si chacun d'entre nous acceptait de laisser briller sa propre lumière ? Ne découvririons-nous pas que nos lumières s'alimentent aux mêmes sources ? Bonheur, respect, justice. Que si ces sources se tarissent, ce n'est pas parce que quelqu'un les a subtilisées mais simplement parce que nous ne croyons plus assez en elles ? Ce n'est pas d'une complexe théorie que je vous parle mais d'un voyage. Un voyage à partager vers un monde où chacun serait heureux de vivre parce que libre et responsable. Et les plus grands voyages commencent toujours par un premier pas. ... ~ Cinq milliards de personnes, peut-être six, ou plus, voient le jeune garçon qui brille lever ses poignets nus devant la caméra. Cinq milliards de personnes, peut-être six ou plus, baissent les yeux vers leur propre poignet. Un poignet cerclé d'un bracelet IC.
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Elio prit une grande bouffée d'air. Un air d'une pureté presque irréelle, un air auquel la tombée du soir offrait une douce fragrance de menthe poivrée, un air magique. Presque aussi magique que la petite main qu'il tenait serrée dans la sienne. Ils marchaient depuis une dizaine de minutes, Eryn et lui en tête, Natan et Shaé, trois pas derrière eux, le visage marquée par l'incrédulité et l'émerveillement. Le sentier serpentait entre des buissons odorants vers le sommet proche d'une colline arrondie, des grillons invisibles appelaient la nuit de leurs stridulations aigrelettes. Un oiseau leur fit écho d'un trille vertigineux lancé vers le ciel qui se teintait d'or et de sang. Ils n'avaient pas dit un mot depuis que... - On est bientôt arrivé, fit Eryn. Courage. - Tu ne devais pas nous... transporter directement chez toi ? - J'ai changé d'avis. - Tu... - Je voulais d'abord te montrer ça... Ils atteignirent le somme de la colline. Elio se figea, imité par ses parents. Leurs trois coeurs ratèrent un même battement sans qu'ils y prennent garde. Dans la plaine ondoyante qui s'étendait sous leurs yeux coulait un fleuve si large qu'il aurait pu tutoyer un océan, si puissant qu'il reléguait l'Amazone au rang de ruisseau, si beau que seule une symphonie lui aurait rendu justice. Mais le fleuve n'était rien. Jetée comme un rêve au-dessus de ses eaux majestueuses, l'arche unique d'un pont de diamant s'envolait, scintillante et libre, vers l'autre rive à des kilomètres de là. Un miracle d'audace, d'équilibre et d'harmonie se jouant de la gravité et du poids des possibles. L'Arche, dit doucement Eryn. A cet instant, le soleil bascula derrière l'horizon. Ses derniers rayons frappèrent l'Arche qui explosa. Les cristaux qui semblaient la constituer captèrent chaque nuance de l'incroyable palette qu'offrait le couchant, les diffractant à l'infini avant de les darder dans un millier de directions comme autant de promesses d'absolu. L'Arche devint le centre d'un univers de lumière. Sans qu'il la remarque, une larme coula sur la joue d'Elio. Eryn la cueillit du bout des doigts. - Bienvenue chez nous, lui murmura-t-elle à l'oreille.
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