Je rebondirais volontiers avec une phrase de Nietzsche : "Il n'y a pas de phénomènes moraux, rien qu'une interprétation morale des phénomènes." (PdBM, je ne sais plus le paragraphe exact).
Ce qui, pour aller vite, veut dire qu'il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises choses en soi. Elles le sont toujours relativement au regard que l'on porte sur elles, et seulement en fonction de ce regard. Le côté moral des choses (mentir, voler, être charitable, un massacre, une théière, un traité de paix) n'est pas inscrit sur elles, mais c'est bien plutôt un filtre que l'on appose dessus au gré de nos désirs. Donc les "maux" ou les "idéaux" dont tu parles ne sont, pour moi, effectivement que relatif à ton regard et ce que tu tiens pour des maux ne le sera pas du tout nécessairement par ton voisin d'à-côté.
Cela dit, une seule et même chose peut avoir une signification ambivalente pour une même personne, pour compliquer les choses. Prenons l'autorité par exemple, qui semble à tes yeux un mal nécessaire : tu te trouves pourtant sur un forum estampillé marchombre, où l'autorité tient deux places (au moins) importantes : d'une part dans la fiction, dans l'autorité sans conteste à un maître laquelle une Ellana ou un Salim doivent se soumettre s'ils désirent véritablement accéder à la liberté ; et dans l'autorité même qui régule ce forum, dont l'incarnation la plus concrète est l'autorité des admins ou des modos, mais aussi simplement les règles d'expression et de dialogue, etc.
Or, tu pourrais trouver sans trop de difficulté des endroits d'expression où propager tes idées qui possèdent une structure beaucoup moins "verticale", bref il ne me semble pas que tu te soumette ici à un mal nécessaire. My guess, c'est que tu es lié à cet endroit par des attaches émotionnelles et affectives, bref par tes passions, et que cela est suffisant pour qu'une certaine distance entre ton discours et tes actes se créée.
Et c'est le cas de la majorité, si ce n'est tout le monde sans exception. Alors si la réalité était simple, si tous les hommes étaient guidés par une droite raison et si la nature morale des phénomènes était inscrite dans les phénomènes eux-mêmes, je dirais bien, oui, éradiquons tous les maux, mais là... Une voie qui pourrait être prise pour sage serait plutôt de "tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune et à changer mes désirs que l'ordre du monde."
(Descartes, Discours de la méthode, Troisième partie.)