La Voie des Marchombres Forum de réflexion consacré aux Marchombres et aux livres de Pierre Bottero... |
| | Arthur Rimbaud | |
| | Auteur | Message |
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Lull Petit Petit
Nombre de messages : 252 Age : 26 Localisation : Dans la dilution allitérative de mots criés inventés, dans la sonorité éclatante de consonnes claquantes, dans l'amour du Mot vrai, la recherche du Mot juste, et l'envolée du Mot existence. Groupe : Petite Livre préféré : La Zone du Dehors, Alain Damasio Date d'inscription : 03/02/2014
| Sujet: Arthur Rimbaud Mer 19 Fév 2014 - 20:45 | |
| Un petit sujet sur Rimbaud, jeune poète et "homme aux semelles de vent". Dites vous que le Bateau Ivre et ses lettres du voyant ont été écrits à 17 ans. * * *
Le Bateau Ivre
Comme je descendais des Fleuves impassibles, Je ne me sentis plus guidé par les haleurs : Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles, Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J'étais insoucieux de tous les équipages, Porteur de blés flamands ou de cotons anglais. Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages, Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées, Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants, Je courus ! Et les Péninsules démarrées N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes. Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes, Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !
Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres, L'eau verte pénétra ma coque de sapin Et des taches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème De la Mer, infusé d'astres, et lactescent, Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires Et rhythmes lents sous les rutilements du jour, Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres, Fermentent les rousseurs amères de l'amour !
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes Et les ressacs et les courants : je sais le soir, L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes, Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !
J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques, Illuminant de longs figements violets, Pareils à des acteurs de drames très antiques Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !
J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs, La circulation des sèves inouïes, Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !
J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries Hystériques, la houle à l'assaut des récifs, Sans songer que les pieds lumineux des Maries Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !
J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !
J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan ! Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces, Et les lointains vers les gouffres cataractant !
Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises ! Échouages hideux au fond des golfes bruns Où les serpents géants dévorés des punaises Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !
J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants. - Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...
Presque île, ballottant sur mes bords les querelles Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds. Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles Des noyés descendaient dormir, à reculons !
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau, Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;
Libre, fumant, monté de brumes violettes, Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur Qui porte, confiture exquise aux bons poètes, Des lichens de soleil et des morves d'azur ;
Qui courais, taché de lunules électriques, Planche folle, escorté des hippocampes noirs, Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais, Fileur éternel des immobilités bleues, Je regrette l'Europe aux anciens parapets !
J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : - Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles, Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?
Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer : L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes. Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !
Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames, Enlever leur sillage aux porteurs de cotons, Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes, Ni nager sous les yeux horribles des pontons.
* * *
Qu'est-ce pour nous, mon cœur...
Qu'est-ce pour nous, mon coeur, que les nappes de sang Et de braise, et mille meurtres, et les longs cris De rage, sanglots de tout enfer renversant Tout ordre ; et l'Aquilon encor sur les débris ;
Et toute vengeance ? Rien !... - Mais si, toute encor, Nous la voulons ! Industriels, princes, sénats : Périssez ! puissance, justice, histoire : à bas ! Ça nous est dû. Le sang ! le sang ! la flamme d'or !
Tout à la guerre, à la vengeance, à la terreur, Mon esprit ! Tournons dans la morsure : Ah ! passez, Républiques de ce monde ! Des empereurs, Des régiments, des colons, des peuples, assez !
Qui remuerait les tourbillons de feu furieux, Que nous et ceux que nous nous imaginons frères ? A nous, romanesques amis : ça va nous plaire. Jamais nous ne travaillerons, ô flots de feux !
Europe, Asie, Amérique, disparaissez. Notre marche vengeresse a tout occupé, Cités et campagnes ! - Nous serons écrasés ! Les volcans sauteront ! Et l'Océan frappé...
Oh ! mes amis ! - Mon coeur, c'est sûr, ils sont des frères : Noirs inconnus, si nous allions ! Allons ! allons ! Ô malheur ! je me sens frémir, la vieille terre, Sur moi de plus en plus à vous ! la terre fond,
Ce n'est rien ! j'y suis ! j'y suis toujours.
* * *
L'étoile a pleuré rose...
L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles, L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins ; La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles Et l'Homme saigné noir à ton flanc souverain.
* * *
Ophélie
I
Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles La blanche Ophélia flotte comme un grand lys, Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles... - On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir. Voici plus de mille ans que sa douce folie Murmure sa romance à la brise du soir.
Le vent baise ses seins et déploie en corolle Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ; Les saules frissonnants pleurent sur son épaule, Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.
Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle ; Elle éveille parfois, dans un aune qui dort, Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile : - Un chant mystérieux tombe des astres d'or.
II
Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige ! Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté ! - C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;
C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure, A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ; Que ton coeur écoutait le chant de la Nature Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;
C'est que la voix des mers folles, immense râle, Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ; C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle, Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !
Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle ! Tu te fondais à lui comme une neige au feu : Tes grandes visions étranglaient ta parole - Et l'Infini terrible effara ton oeil bleu !
III
- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ; Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles, La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
Dernière édition par Lull le Jeu 18 Juin 2015 - 15:04, édité 2 fois | |
| | | Solveig Etudiant à l'Académie
Nombre de messages : 343 Age : 27 Localisation : Sur la lune Groupe : Dessinateur Livre préféré : le seigneur des anneaux, les pierre bottero, le clans des Otoris... et bien d'autre :D Date d'inscription : 11/01/2014
| Sujet: Re: Arthur Rimbaud Mer 19 Fév 2014 - 22:09 | |
| moi mon préféré c'est celui ci: Ma Bohème Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ; Mon paletot aussi devenait idéal ; J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ; Oh ! là ! là ! que d'amours splendides j'ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou. - Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse. - Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes, Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques, Comme des lyres, je tirais les élastiques De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur ! | |
| | | Lull Petit Petit
Nombre de messages : 252 Age : 26 Localisation : Dans la dilution allitérative de mots criés inventés, dans la sonorité éclatante de consonnes claquantes, dans l'amour du Mot vrai, la recherche du Mot juste, et l'envolée du Mot existence. Groupe : Petite Livre préféré : La Zone du Dehors, Alain Damasio Date d'inscription : 03/02/2014
| Sujet: Re: Arthur Rimbaud Jeu 3 Avr 2014 - 22:17 | |
| Le dormeur du val
C'est un trou de verdure où chante une rivière, Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. | |
| | | Lieska Fils de la Citadelle
Nombre de messages : 233 Age : 26 Localisation : Sur la route avec ma guitare Groupe : Frontalière Livre préféré : La horde du contrevent (A.Damasio) , le pacte des marchombres , Tolkien... Date d'inscription : 23/09/2012
| Sujet: Re: Arthur Rimbaud Sam 5 Avr 2014 - 18:03 | |
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OOoooh Ma bohème . C'est un de mes poèmes préférés. Non seulement la liberté et la révolte du jeune poète mais également le fait qu'il s'identifie à Orphée. C'est magnifique, presque autant que sa poésie. J'aime moins ce qu'il a écrit avec Verlaine plus tard par contre.
Voilà, message inutile :)
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Arthur Rimbaud Lun 7 Avr 2014 - 19:24 | |
| Rimbaud. Ou l'inventeur de la poésie moderne. Rimbaud, le poète adolescent qui exerce une attraction fantastique sur grand nombre de gens. Plus que son âge, ce que je trouve intéressant, c'est que c'est un des rares poètes qui a arrêté volontairement d'écrire. Et qui a disparu de la circulation. Personnellement, un des poèmes que je préfère de Rimbaud, c'est VoyellesA noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles, Je dirai quelque jour vos naissances latentes : A, noir corset velu des mouches éclatantes Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d'ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes, Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ; I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides, Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges, Silences traversés des Mondes et des Anges : - O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! - |
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| Sujet: Re: Arthur Rimbaud | |
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| | | | Arthur Rimbaud | |
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