La Voie des Marchombres
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 Jacques Prévert

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Nour
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Nour


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MessageSujet: Jacques Prévert   Jacques Prévert Icon_minitimeLun 27 Fév 2012 - 19:28

Autant il a écrit des poèmes pour les enfants qui sonnent comme des comprimes, autant d'autres font des pages et pages.

Jacques Prévert, poète du XXe est facile a lire, et écrit vraiment de manière libre.
Son écriture est comme une bouffée d'air pur, beaucoup sont amusants.

A vous de voir si vous pensez de même, en voici quelques uns, extraits du recueil Paroles.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

L'accent grave

Le professeur
Élève Hamlet!

L'élève Hamlet (sursautant)
...Hein... Quoi... Pardon... Qu'est-ce qui se passe...
Qu'est-ce qu'il y a ... Qu'est-ce que c'est?...

Le professeur (mécontent)
Vous ne pouvez pas répondre "présent" comme tout le monde ? Pas possible, vous êtes encore dans les nuages.

L'élève Hamlet
Être ou ne pas être dans les nuages!

Le professeur
Suffit. Pas tant de manières. Et conjuguez-moi le verbe être, comme tout le monde, c'est tout ce que je vous demande.

L'élève Hamlet
To be...

Le professeur
En Français, s'il vous plaît, comme tout le monde.

L'élève Hamlet
Bien, monsieur. (Il conjugue:)
Je suis ou je ne suis pas
Tu es ou tu n'es pas
Il est ou il n'est pas Nous sommes ou nous ne sommes pas...

Le professeur (excessivement mécontent)
Mais c'est vous qui n'y êtes pas, mon pauvre ami !

L'élève Hamlet
C'est exact, monsieur le professeur,
Je suis "où" je ne suis pas
Et dans le fond, hein, à la réflexion,
Être ou ne pas être
C'est peut-être la question.


~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~


Sables mouvants

Sables mouvants
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Démons et merveilles
Vents et marées
Et toi
Comme une algue doucement carressée par le vent
Dans les sables du lit tu remues en rêvant
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Mais dans tes yeux entrouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~


LE CANCRE
(Jacques Prévert)

Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le coeur
il dit oui à ce qu’il aime
il dit non au professeur
il est debout
on le questionne
et tous les problèmes sont posés
soudain le fou rire le prend
et il efface tout
les chiffres et les mots
les dates et les noms
les phrases et les pièges
et malgré les menaces du maître
sous les huées des enfants prodiges
avec des craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur


(il est dans le tome 1 de la Quête d'Ewilan, impossible de ne pas le mettre)

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~


LES BELLES FAMILLES

Louis 1
Louis 2
Louis 3
Louis 4
Louis 5
Louis 6
Louis 7
Louis 8
Louis 9
Louis 10
Louis 11
Louis 12
Louis 13
Louis 14
Louis 15
Louis 16
Louis 17
Louis 18
et plus personnes plus rien…
qu'est ce que c'est que ces gens-là
qui ne sont pas foutus de compter jusqu'à vingt ?



~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~



VOUS ALLEZ VOIR CE QUE VOUS ALLEZ VOIR

Une fille nue nage dans la mer
Un homme barbu marche sur l'eau
Où est la merveille des merveilles
Le miracle annoncé plus haut ?


~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Le jardin


Des milliers et des milliers d'années
Ne sauraient suffire
Pour dire
La petite seconde d'éternité
Où tu m'as embrassé
Où je t'ai embrassée
Un matin dans la lumière de l'hiver
Au parc Montsouris à Paris
A Paris
Sur la terre
La terre qui est un astre.



Dernière édition par Nour le Sam 3 Mar 2012 - 15:58, édité 1 fois
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Elhea
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MessageSujet: Re: Jacques Prévert   Jacques Prévert Icon_minitimeMer 29 Fév 2012 - 21:26

J'aime bien Prévert, j'ai justement Paroles chez moi Jacques Prévert 64812

J'aime particulièrement Sables Mouvants.
Mais aussi, bien sûr, Le Cancre... Et puis un petit coup de coeur pour Vous allez voir ce que vous allez voir, parce qu'il y a des gens comme ça qui ont le don de distribuer des sourires à qui passe par là Jacques Prévert 575385
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Maria
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MessageSujet: Re: Jacques Prévert   Jacques Prévert Icon_minitimeSam 3 Mar 2012 - 10:59

Prévert !

Oui, c'est vrai que son écriture parait vraiment libre, et c'est vrai que parfois ses poèmes sont drôles, mais beaucoup traitent de sujets profonds. D'autres sont tout à fait glauques. Un exemple :


La Lessive

Oh la terrible et surprenante odeur de viande qui meurt
c’est l’été et pourtant les feuilles des arbres du jardin
tombent et crèvent comme si c’était l’automne…
cette odeur vient du pavillon
où demeure monsieur Edmond
chef de famille
chef de bureau
c’est le jour de la lessive
et c’est l’odeur de la famille
et le chef de famille
chef de bureau
dans son pavillon de chef-lieu de canton
va et vient autour du baquet familial
et répète sa formule favorite
Il faut laver son linge sale en famille
et toute la famille glousse d’horreur
de honte
frémit et brosse et frotte et brosse
le chat voudrait bien s’en aller
tout cela lui lève le cœur
le cœur du petit chat de la maison
mais la porte est cadenassée
alors le pauvre petit chat dégueule
le pauvre petit morceau de cœur
que la veille il avait mangé
de vieux portefeuilles flottent dans l’eau du baquet
et puis des scapulaires… des suspensoirs…
des bonnets de nuit… des bonnets de police…
des polices d’assurance… des livres de comptes…
des lettres d’amour où il est question d’argent
des lettres anonymes où il est question d’amour
une rosette de la légion d’honneur
de vieux morceaux de coton à oreille
des rubans
une soutane
un caleçon de vaudeville
une robe de mariée
une feuille de vigne
une blouse d’infirmière
un corset d’officier de hussards
des langes
une culotte de plâtre
une culotte de peau…
soudain de longs sanglots
et le petit chat met ses pattes sur ses oreilles
pour ne pas entendre ce bruit
parce qu’il aime la fille
et que c’est elle qui crie
c’est à elle qu’on en voulait
c’est la jeune fille de la maison
elle est nue… elle crie… elle pleure…
et d’un coup de brosse à chiendent sur la tête
le père la rappelle à la raison
elle a une tache
la jeune fille de la maison
et toute la famille la plonge
et la replonge
elle saigne
elle hurle
mais elle ne veut pas dire le nom…
et le père hurle aussi
Que tout ceci ne sorte pas d’ici
Que tout ceci reste entre nous
dit la mère
et les fils les cousins les moustiques
crient aussi
et le perroquet sur son perchoir
répète aussi
Que tout ceci ne sorte pas d’ici
honneur de la famille
honneur du père
honneur du fils
honneur du perroquet Saint-Esprit
elle est enceinte la jeune fille de la maison
il ne faut pas que le nouveau-né
sorte d’ici
on ne connaît pas le nom du père
au nom du père et du fils
au nom du perroquet déjà nommé Saint-Esprit
Que tout ceci ne sorte pas d’ici…
avec sur le visage une expression surnaturelle
la vieille grand-mère assise sur le rebord du baquet
tresse une couronne d’immortelles artificielles
pour l’enfant naturel…
et la fille est piétinée
la famille pieds nus
piétine piétine et piétine
c’est la vendange de la famille
la vendange de l’honneur
la jeune fille de la maison crève
dans le fond…
à la surface
des globules de savon éclatent
des globules blancs
globules blêmes
couleur d’enfant de Marie…
et sur un morceau de savon
un morpion se sauve avec ses petits
l’horloge sonne une heure et demie
et le chef de famille et de bureau
met son couvre-chef sur son chef
et s’en va
traverse la place de chef-lieu de canton
et rend le salut à son sous-chef
qui le salue…
les pieds du chef de famille sont rouges
mais les chaussures sont bien cirées
Il vaut mieux faire envie que pitié.



Je ne sais pas pourquoi, j'aime ce poème...^^

(Et c'est Hamlet, Nour, pas Hamelet...)
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Nerual
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MessageSujet: Re: Jacques Prévert   Jacques Prévert Icon_minitimeJeu 30 Aoû 2012 - 10:53

Moi aussi j'aime bien Prévert Jacques Prévert 460171
Parce qu'il raconte, à sa manière... il couche sur le papier tout ce qui lui passe par la tête et ça fait des jolis mots. Jacques Prévert 454373
Des histoires toutes simples, comme un enfant.



LA GRASSE MATINÉE

Il est terrible
le petit bruit de l'œuf dur cassé sur un comptoir d'étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l'homme
la tête de l'homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glace du grand magasin
une tête couleur de poussière
ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde
dans la vitrine de chez Potin
il s'en fout de sa tête l'homme
il n'y pense pas
il songe
il imagine une autre tête une tête de veau par exemple
avec une sauce au vinaigre
ou une tête de n'importe quoi qui se mange
et il remue doucement la mâchoire
doucement
et il grince des dents doucement
car le monde se paye sa tête
et il ne peut rien contre ce monde
et il compte sur ses doigts un deux trois
un deux trois
ça fait trois jours qu'il n'a pas mangé
et il a beau se répéter depuis trois jours
Ça ne peut pas durer
ça dure
trois jours
trois nuits
sans manger
et derrière ces vitres
ces pâtés ces bouteilles ces conserves
poissons morts protégés par les boîtes
boîtes protégées par les vitres
vitres protégées par les flics
flics protégés par la crainte
que de barricades pour six malheureuses sardines...
Un peu plus loin le bistro
café-crême et croissants chauds
l'home titube
et dans l'intérieur de sa tête
un brouillard de mots
un brouillard de mots
sardines à manger
œuf dur café-crême
café arrosé de rhum
café-crême
café-crême
café-crime arrosé sang !...
Un homme très estimé dans son quartier
a été égorgé en plein jour
l'assassin le vagabond lui a volé
deux francs
soit un café arrosé
zéro franc soixante-dix
deux tartines beurrées
et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.
Il est terrible
le petit bruit de l'œuf dur cassé sur un comptoir d'étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim.


LE MESSAGE

La porte que quelqu'un a ouverte
La porte que quelqu'un a refermée
La chaise où quelqu'un s'est assis
Le chat que quelqu'un a caressé
Le fruit que quelqu'un a mordu
La lettre que quelqu'un a lue
La chaise que quelqu'un a renversée
La porte que quelqu'un a ouverte
La route où quelqu'un court encore
Le bois que quelqu'un traverse
La rivière où quelqu'un se jette
L'hôpital où quelqu'un est mort.


Et puis bon, il y en a d'autres, mais pour l'instant, je ne mettrais que ceux-là. Parce qu'ils racontent une histoire.
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Akai Bara
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MessageSujet: Re: Jacques Prévert   Jacques Prévert Icon_minitimeDim 6 Jan 2013 - 21:01

Nour tu m'as énorméméent doublée, j'ai découvert Prévert pendant ces vacances et je voulais vous faire partager Les Belles familles et Vous allez voir ce que vous allez voir. Ceci étant déjà fait je me contenterais de vous en offrir deux autres:

Pour faire le portrait d’un oiseau (Prévert)


Peindre d’abord une cage
Avec une porte ouverte
Peindre ensuite
Quelque chose de joli
Quelque chose de simple
Quelque chose de beau
Quelque chose d’utile
Pour l’oiseau
Placer ensuite la toile contre un arbre
Dans un jardin
Dans un bois
Ou dans une forêt
Se cacher derrière l’arbre
Sans rien dire
Sans bouger…
Parfois l’oiseau arrive vite
Mais il peut aussi bien mettre de longues années
Avant de se décider
Ne pas se décourager
Attendre
Attendre s’il le faut pendant des années
La vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
N’ayant aucun rapport
Avec la réussite du tableau
Quand l’oiseau arrive
S’il arrive
Observer le plus profond silence
Attendre que l’oiseau entre dans la cage
Et quand il est entré
Fermer doucement la porte avec le pinceau
Puis
Effacer un à un tous les barreaux
En ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau
Faire ensuite le portrait de l’arbre
En choisissant la plus belle des branches
Pour l’oiseau
Peindre aussi le vert feuillage et la fraicheur du vent
La poussière du soleil
Et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
Et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
Si l’oiseau ne chante pas
C’est mauvais signe
Signe que le tableau est mauvais
Mais s’il chante c’est bon signe
Signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
Une des plumes de l’oiseau
Et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.


Le discours sur la paix (Prévert)

Vers la fin d’un discours extrêmement important
Le grand homme d’Etat trébuchant
Sur une belle phrase creuse
Tombe dedans
Et désemparé la bouche grande ouverte
Haletant
Montre les dents
Et la carie dentaire de ses pacifiques raisonnements
Met à vif le nerf de la guerre
La délicate question d’argent.
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MessageSujet: Re: Jacques Prévert   Jacques Prévert Icon_minitimeDim 5 Jan 2014 - 10:32

J'adore particulièrement le dernier d'Akai :) Je l'ai relu avant hier et il résonnait.

Celui là aussi, je l'ai trouvé juste :

LE PAYSAGE CHANGEUR

De deux choses lune
l'autre c'est le soleil
les pauvres travailleurs ne voient pas ces choses
leur soleil c'est la soif la poussière la sueur le goudron
et s'ils travaillent en plein soleil le travail leur cache le soleil
leur soleil c'est l'insolation
et le clair de lune pour les travailleurs de nuit
c'est la bronchite la pharmacie les emmerdements les ennuis
et quand le travailleur s'endort il est bercé par l'insomnie
et quand son réveil le réveille
il trouve chaque jour devant son lit
la sale gueule du travail
qui ricane et se fout de lui
alors il se lève
alors il se lave
et puis il sort à moitié éveillé à moitié endormi
il marche dans la rue à moitié éveillée à moitié endormie
et il prend l'autobus
le service ouvrier
et l'autobus le chauffeur le receveur
et tous les travailleurs à moitié éveillés à moitié endormis
traversent le paysage figé entre le petit jour et la nuit
le paysage de briques de fenêtres à courants d'air de corridor
le paysage éclipse
le paysage prison
le paysage sans air sans lumière sans rires ni saisons
le paysage glacé des cités ouvrières glacées en plein été comme au coeur de l'hiver
le paysage éteint
le paysage sans rien
le paysage exploité affamé dévoré escamoté
le paysage charbon
le paysage poussière
le paysage cambouis
le paysage mâchefer
le paysage châtré gommé effacé relégué et rejeté dans l'ombre
dans la grande ombre
l'ombre du capital
l'ombre du profit
Sur ce paysage parfois un astre luit
un seul
le faux soleil
le soleil blême
le soleil couché
le soleil chien du capital
le vieux soleil de cuivre
le vieux soleil clairon
le vieux soleil ciboire
le vieux soleil fistule
le dégoûtant soleil du roi soleil
le soleil d'Austerlitz
le soleil de Verdun
le soleil fétiche
le soleil tricolore et incolore
l'astre des désastres
l'astre de la vacherie
l'astre de la tuerie
l'astre de la connerie le soleil mort.

Et le paysage à moité construit à moitié démoli
à moitié éveillé à moitié endormi
s'effondre dans la guerre le malheur et l'oubli
et puis il recommence une fois la guerre finie
il se rebâtit lui-même dans l'ombre
et le capital sourit
mais un jour le vrai soleil viendra
un vrai soleil dur qui réveillera le paysage trop mou
et les travailleurs sortiront
ils verront alors le soleil
le vrai le dur le rouge soleil de la révolution
et ils se compteront
et ils se comprendront
et ils verront leur nombre
et ils regarderont l'ombre
et ils riront
et ils s'avanceront
une dernière fois le capital voudra les empêcher de rire
ils le tueront
et ils l'enterreront dans la terre sous le paysage de misère
et le paysage de misère de profit de poussières et de charbon
ils le brûleront
ils le raseront
et ils en fabriqueront un autre en chantant
un paysage tout nouveau tout beau
un vrai paysage tout vivant
ils feront beaucoup de choses avec le soleil
et même ils changeront l'hiver en printemps.
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