Petite réponse rapide.
Il n'y a pas d'acte qui ne serve véritablement à rien, qu'il soit aussi abstrait que celui de réfléchir.
Partons du simple fait de réfléchir, sans tout ce qui en découle. A ce stade-là, c'est une sorte de "conversation intérieure", une délibération avec soi-même peut-être. Parce que dans le fait de
réfléchir, il y a plus que l'idée de l'acceptation d'une information. Il y a son intégration, son appropriation à un niveau personnel parce que l'on se penche dessus, qu'on se pose des questions, qu'on essaye de se faire une opinion sur un sujet précis (sans que cela aboutisse forcément, bien sûr). Du coup, on est en train de prendre connaissance d'une situation, d'exposer ses nuances, ses propriétés. C'est déjà assez énorme à mon sens, puisque la prise de conscience est une étape essentielle pour faire bouger les choses ; quand on lit un article sur
x situation et qu'ensuite on entend parler d'une action ou quoi, deux cas de figure :
- On est plus apte à s'y engager ou à aider parce qu'on y a déjà réfléchi. Ça peut être aussi stupide que de signer une pétition.
- On ne dit rien fait rien et on conserve le statut intérieur de cette réflexion. Mais bon, ça fait toujours joli dans les conversations mondaines, si jamais on décide de la ressortir.
Cependant, je doute que la catégorie de personnes qui ne feraient absolument
rien (sachant que le fait de
parler est déjà quelque chose) soit largement répandue. En tout cas, si je voulais défendre une cause et que je savais par un quelconque moyen que quelqu'un en serait touché, même sans que cette personne ne prenne action, j'en serais contente ; tout simplement parce que le manque d'action de ce genre de personnes vient souvent d'une incapacité ou d'un manque de moyens pour une quelconque raison. Une personne touchée et d'accord, c'est possiblement une personne de moins dans l'opposition
Si on veut rester dans l'abstrait, on peut également réfléchir mais
parler (ce qui rejoint le premier cas de figure du point précédent, en un sens). Et je suppose que c'est de ça que tu veux parler quand tu dis
- Vayel a écrit:
- ça m'agace un peu de voir tous ces gens - y compris les médias - qui papotent des problèmes notoires et ont l'impression d'être... importants parce qu'ils sont au courant de l'actualité.
Un point assez important : plus il y a de bruit venant de la population ou des médias autour d'une cause, plus il y a de pression sur le pouvoir exécutif pour qu'il se bouge les miches.
C'est pour cela aussi que le rôle des médias est aussi important ; c'est une merveilleuse tribune pour mettre en valeur un point urgent qui n'attire pas assez d'attention. Et par 'médias' je n'entend pas uniquement les journalistes avec carte tamponnée, mais tous ceux qui publient des articles sur internet ou autres. De même pour les réseaux sociaux ; n'oublions pas que c'est au fil de discussions sur Facebook que le printemps arabe a débuté. Alors oui, la délibération, la réflexion sur des sujets et leur
partage et une entreprise importante. Parler n'est pas ce que j'appellerais 'ne pas agir'.
Certaines personnes ne se rallient pas à une cause qui pourrait être bénéfique tout simplement parce qu'ils sont plongé dans son ignorance ; et l'Etat peut tout simplement remettre le débat ou l'action sur un projet urgent parce qu'il peut se dire que la population ne s'y attarde pas de toute façon, et qu'il n'y a pas besoin de se bouger tout de suite. La société, c'est un monde qui grouille, qui parle, qui échange ses opinions et ces idées - et ce mouvement, ce grouillement, c'est bien souvent lui qui monte aux oreilles des hauts placés, et ce n'est souvent pas eux qui décident de l'implémentation de décisions sorties de nulle part. Les actions, les lois qui proclament dans leurs discours sont souvent prononcées "officiellement" après que l'idée ait tourné dans la population et que celle-ci y soit préparée.
Réfléchir et parler ne sont donc pas des actes "
gratuits". Cette différence de laquelle tu parles, entre une personne qui demeure dans l'ignorance et une autre qui réfléchit, c'est la
prise de conscience, qui a inévitablement un effet plus ou moins palpable, direct ou pas.
Après, la faille de ce raisonnement, c'est qu'il s'appuie finalement sur une prise d'action de l'Etat et du pouvoir exécutif - ce qui n'arrive pas toujours. Mais la parole et l'expression demeurent d'excellent moyens de pression.